LA
MUSIQUE
DE
JEAN
NOUVEL
Photographie
Christophe Bouquet
Merci à
Phillippe Provensal
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Selon la tradition orale attachée à la genèse de la Philharmonie de Paris, Jean Nouvel aurait vu, alors qu’il se promenait dans le parc de la Villette, les oiseaux dans les arbres, et entendu leur chant. C’est assez plausible.
Les oiseaux se sont enchevêtrés dans un rêve eschérien et ont formé une nuée – de 340 000 individus, pour les mathématiciens – une montagne d’aluminium qui abrite en son sein la Philharmonie et accueille avec bienveillance les promeneurs, elle se laisse gravir de toutes parts, offrant un belvédère sur le futur de Paris. Sa minéralité l’impose, semblable à une grosse météorite asgardienne tombée là, en musique céleste, bien évidemment ; le ciel s’y reflète, s’y bouleverse, découpant les cols, faces et sommets du mont Philharmonie.
À l’intérieur de cette montagne enchantée, on vit, on travaille, on joue, les grandes salles de répétition sont suspendues, c’est l’un des concepts récurrents du lieu, chacune d’elles est un caisson indépendant qu’aucun bruit extérieur ne vient perturber et qui ne laisse rien échapper non plus, excepté les flux numériques dirigés vers le studio d’enregistrement. Quant aux arbres — 57 peupliers argentés et 42 saules blancs – visibles depuis les immenses baies vitrées, ils se gravent également sur les panneaux de bois amovibles qui en tapissent l’intérieur.
Dans la grande salle où 2 400 spectateurs et spectatrices s’assoient, le son nous embrasse, direct, réfléchi, réverbéré par les surfaces finement travaillées des murs courbes et des objets de toutes tailles flottant, là-haut dans l’éther. Ici, l’orgue, sorte de pirogue à vent de 15 mètres de haut et 20 mètres de large que l’on verrait sans sourciller chez Miyazaki, et cet autre aéronef encore, planant comme un crâne électronique géant qui nous sourit aimablement. Les balcons, comme de longues élytres de miel ou de laque noire achèvent de créer l’intimité qui règne jusqu’au creux des fauteuils en velours couleur de gâteau à peine sorti du four. Le son est modelé, enrichi à l’infini, selon les désirs acoustiques conjoints de Jean Nouvel et de Sir Harold Marshall, corroborés par le très respecté Yasuhisa Toyota, qui fut chef acousticien du Walt Disney Concert Hall. -
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